Jekyll and Hyde

FT Aaron.

Encore une de ces journées où je ne savais pas quoi faire et, pire, où je n'avais envie de rien. Hécate m'avait forcée à me lever pour dire que je faisais quelque chose, et je me traînais plus ou moins, laissant mon regard dériver, fatiguée mais presque sereine. Enfin ça, c'était bien sûr avant que je ne me sente partir.

Je grommelle, me passe une main sur le visage avant de rouler sur le côté. J'ai mal à la hanche, à croire que je ne me suis pas loupée. Je me relève à demi et m'arrête. Quelque chose cloche. Je suis seule, ma tête est bien trop libre. Pour la première fois depuis des lustres, personne ne m'accompagne. Où est donc passée Hécate ? J'oscille entre la peur et une certaine joie. Puis je me rend compte d'autre chose. Et là, je panique franchement. Je suis en appui sur mon bras plâtré et je n'ai pas mal. Je baisse les yeux, pas de plâtre mais, à la place, un bras bien plus masculin que le mien.
Qu'est-ce que ça veut dire ? Je cherche mon téléphone dans mes poches mais impossible de mettre la main dessus. A la place, un autre engin électronique auquel je n'ose pas toucher et... du sel ?
Je me relève tout à fait, me trouve bien plus grande que d'habitude et atteins en deux enjambées la devanture d'une vitrine. Je contemple mon reflet, interdite. Enfin interdit, pour le coup. Parce que oui, je suis un homme. Plutôt musclé, en prime. Et qui m'a l'air atrocement familier. Sous ma veste, une bosse. Je la tâte en observant mon reflet. Oh. Je crois bien que je suis armée. Ou armé. Pas moyen de savoir comment m'accorder. Les yeux grands ouverts, je fixe l'arme dont je devine désormais les contours. Je rechigne à la dévoiler ou à la toucher, ayant déjà l'impression qu'elle me brûle la peau.
Je me tourne, perdue. Et quoi, maintenant ? Je ne peux pas rentrer dans le camp de cette façon ! Et.. Ma voix ? Je baragouine pour moi seule. Mon timbre est définitivement bien plus grave. Prochaine étape ? Comprendre. Et trouver mon corps. Et savoir où est passée Hécate, ça pourrait toujours aider.
Alors je me met dans la tête de faire le tour de la place et de ses environs, sait-on jamais. D'une démarche qui se veut légère et pas le moins du monde louche - je suis armée, mon sang ! - qui ne va pas du tout avec mon corps, j'entame mon investigation...

Jekyll and Hyde

FT Aaron.

Rien, toujours rien. A part une personne ayant l'air paniquée et ne m'ayant même pas rendu mon bonjour. Je grommelais, choquée de mon timbre. Je ne m'y faisais vraiment mais vraiment pas. Décidant de rebrousser chemin dans l'espoir fou de tomber sur moi - enfin, sur mon corps - non, pas sur-sur, l'expression ! - parce que ce serait compliqué sinon - au détour d'une rue, comme.. Mais attendez mais c'est moi, ça ! Petite rousse, et.. démarche agressive ? Boh, c'est plutôt nouveau par contre, ça. Tout comme mes petits bras me plaquant contre le mur. J'accusais le coup en silence, ne pouvant m'empêcher de noter l'emploi du plâtre.

- Rends moi ce corps. Je  ne sais pas qui tu es, comment tu as réussi ton coup, mais j'te jure que j'vais te faire payer ça ! Ta gueule ! 

Ah. Je ne m'y attendais pas, à ça. Si ce n'était ni lui ni moi, qui ? Hécate aurait-elle pu faire ce genre de choses ? Pourquoi donc ? Je n'en voyais pas trop l'utilité, pas du tout, même. Mais la fin de sa phrase me rassura étrangement : elle devait être là, avec lui. Ouf, deux choses en moins à faire, maintenant plus qu'à comprendre et regagner mon corps. Et si possible désamorcer la situation, au passage.

- Hécate ! Elle est là ?

Dire que je m'inquiétais aurait été un euphémisme. Tout comme dire que je me sentais démunie, et atrocement seule.

- Bon, je n'ai pas envie de vous décevoir, monsieur, mais je ne sais pas plus que vous ce qui s'est passé. Maintenant j'aimerais vraiment que vous me lâchiez. S'il vous plait ?

J'accompagnais le tout d'un sourire que je voulais de circonstance. N'obtenant pas ce que je désirais, j'avisais un passant en uniforme, au loin.

- Hé, vous, monsieur, aidez-moi, je suis menacée par..

Et ma voix se brisa en chemin tandis que l'homme souriait en secouant la tête. Mais c'était sérieux, en plus ! Bon, la situation pouvait peut-être prêter à sourire, vue de l'extérieure, mais moi, je n'en menais pas large. La petite rousse que j'étais habituellement se révélait très menaçante, pour le coup. Et faisait un peu peur, il faut l'avouer. M'entendre jurer avait été perturbant, aussi. Qui aurait cru que mon timbre serait.. comme ça ? Je l'imaginais plus.. pas tout à fait grave non plus, évidemment, mais moins aiguë. Ah... Le policier revenait ! Je me redressais en lui jetant un regard implorant, qu'il intervienne, bon sang !

- Bon, qu'est-ce qui se passe par ici ?

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FT Aaron.

La situation était incroyable, juste trop étrange pour sembler vraie. Mon propre corps me menaçait.

- Hécate ? C'est le nom de ton parasite ?

J'hochais la tête, me demandant vaguement ce que l'intéressé en pensait avant de, complètement soufflée, assister à mon humiliation en règle. Et cela dans tout les sens du terme. Non mais.. je, je devais rêver, pas d'autre possibilité. C'est qu'il utilisait mon propre corps pour s'innocenter ! Le malheureux. Quand quelqu'un coince une personne lambda dans une ruelle en la menaçant avec un plâtre, il y a un problème. Pire encore quand l'acculé(e) appelle à l'aide. Quel espèce de policier était-ce ? Et quel genre de personne pouvait bien se trouver dans mon corps ? Utiliser mon physique ? Puis le petit corps en question s'éloigna tandis que le policier me lançait un regard amusé.
Je partais dans la direction opposée, remontée. C'était tellement bas. Mais j'avais l'espoir que lui se calmerait et viendrait. Après tout, si lui avait mon corps en otage, j'avais le sien. Sans compter l'agent infiltré dont il ne voudrait que se débarrasser, non ? Faisant les cent pas dans la rue adjacente, j'attendais, réfléchissais et paniquais.
Et s'il partait, comme ça, ou pire, s'il se faisait écraser par une voiture, dans mon corps, et mourrait ? Maugréant, je mettais la main sur son téléphone, prenais bien deux minutes à en saisir le fonctionnement - mon antiquité était bien plus simple à manier - et tombais sur les contacts récents. Un nom me frappa. Etait-il en lien avec Aedhan ? La Aedhan ? Je mettais question, fierté et panique de côté et composais mon propre numéro... Allez, décroche...

- .. Il faut qu'on parle, ça ne peut pas durer.

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FT Aaron.

Je comptais sur l'intermède pour que chacun se soit plus ou moins calmé. Nous pouvions nous comporter en adultes, pas vrai ? Je l'espérais, parce que vieillir dans ce corps ? Non merci ! Ce serait beaucoup trop bizarre. Et je me sentais plutôt seule, aussi. Libre, plus ou moins maître de la situation, d'accord mais... Ca faisait beaucoup de responsabilités d'un coup et je ne savais pas le moins du monde comment j'étais supposée agir. Qu'aurait voulu Hécate ? S'en occupait-elle déjà ? Pas moyen de savoir...
Je rejoignais mon corps - dire combien cette phrase était étrange serait l'euphémisme du siècle - de l'autre côté de la ruelle de départ, assez soulagée. Il n'avait pas été très loin, au final. Je faisais un léger détour, histoire de ne pas rencontrer à nouveau le policier et me repérais rapidement - tâche rousse sur fond gris.

- Au fait, moi c'est Aaron. Et toi ?

Je notais l'information dans un coin de ma tête : Aaron, frère d'Aedhan. Gênée par la situation malgré une atmosphère moins chargée, je m'encadrais de mes propres bras, les frottant légèrement pour me détendre - mais au final plus gênée encore par la présence de ces deux bras inconnus qui me semblait-il, me ceinturait. Je les laissais retomber de chaque côté de mon corps, a demi contrariée. Sans attendre ma réponse, il enchaîna :

-  Tu as ce parasite depuis quand ?

Directement dans le vif du sujet, donc. Je grimaçais, mais il ne me laissa pas non plus en caser une, peut-être tout aussi préoccupé que je l'étais.

- Pourquoi elle connaît mon prénom ?

Là, je grinçais franchement des dents. Merde alors. Le reste de la conversation ne s'annonçais pas franchement bien. Je soupirais, rentrais machinalement la tête entre les épaules et commençais à faire les cent pas.

- Quinn. Humm, deux-trois ans, peut-être, je ne sais plus.

Puis je faisais une pause, écartais mes cheveux trop raides en arrière, dans un semblant de tic nerveux.

- C'est.. compliqué. Hécate est une de tes ancêtres. Elle se renseigne sur ses descendants et essaie d'entrer en contact avec eux..

Je me tordais les mains, pas franchement à l'aise. Je ne savais pas quelle serait sa réaction, ce que je devais dire ou pas..

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FT Aaron.

C'était fou comme je m'y étais habituée, moi, à Hécate. Ces dernières années avaient été terribles, et je me rendais maintenant bien compte que, oui, j'étais complètement démunie sans elle. Cependant... Etait-ce un bien ou un mal ? J'avais été longtemps fragile, et non, je n'avais pas fais une croix sur le calendrier pour me souvenir du moment où je m'en étais rendu compte. Qui l'aurait fait ? J'avais déjà eu du mal à m'y faire, je n'allais pas non plus le crier au monde. Enfin, le résultat était le même, j'étais complètement dépendante, malgré tout. J'attendais ses conseils, ordres et points de vus, plus sûre de moi ni capable de prendre une décision sans me tordre les mains. Curieusement pathétique, en somme. Plus que d'habitude. Plus qu'avant ma possession.. ? La question se posait.

-  Mon ancêtre ? Elle est bien bonne celle-là.  Et elle n’a pas trouvé d’autres moyens pour rentrer en contact que de squatter une gamine ?

Aaron n'était évidemment pas ravis, qui l'aurait été ? J'haussais vaguement les épaules, mal à l'aise au possible. Un bouquet de pissenlit ? Pour Hécate ? J'haussais les sourcils sans toutefois faire de commentaire, bien décidée à rester en dehors de toute querelle potentielle. Puis, paf, bruit et lumière. Quoi ? Un éclair, en... plus ou moins pleine journée ? Et je me sentais tomber.
Oh, rien d'étonnant, un cheval venait de me percuter. Il était armé d'une certaine prestance, le petit. D'une corne, d'ailleurs. Même s'il me couvait d'un regard mauvais. Et qu'il.. Non, il n'essayait quand même pas de me vomir un arc-en-ciel dessus ? A moins qu'il ne s'agisse de sa bave ? Très vite, je me mettais à courir, pourchassée par une licorne infernale, qui, à priori, crachait une matière toxique haute en couleur semblable à de la lave.


Et je me relevais, à moitié assommée, prête à me retourner contre le vil animal. J'avais un mal de crâne insupportable, me demandant sournoisement si Hécate n'y était pas étrangère, et pour cause, elle semblait maugréer depuis un petit bout de temps.


Mon malaise n'avait pas dû être long vu qu'Aaron était alerte, et ne semblait rien avoir remarqué d'anormal.

- Ça va ? L’autre est pas trop furax ?

Je me contentais de lever un pouce en me tenant la tête, déstabilisée par la subite restitution de corps et tout le reste - soulagée, quelque part, mais encombrée, comme vidée de mes forces.

- Déçue, plutôt. Elle aurait voulu plus de temps, pour, tu sais, euh, te convaincre qu'elle peut être utile, ce genre de choses.

Je me raclais ensuite la gorge, et poursuivais :

- Qu'est-ce que tu crois que c'était, cette fois-ci ?